GESTIONS PUBLIQUESGouvernancesCe malien s'adresse au Colonel Assimi Goïta, président de la Transition, chef...

Ce malien s’adresse au Colonel Assimi Goïta, président de la Transition, chef de l’Etat du Mali

Lettre ouverte au président Assimi GOITA

À la sagesse du soldat

Monsieur le président, je m’adresse à vous avec toute la conviction d’un citoyen libre et la force d’un citoyen qui a l’amour de son pays, chevillé au corps.

Je m’adresse à vous avec toute la considération d’un citoyen autant à l’homme qu’au président. Mais je veux d’abord m’adresser au cœur et à la sagesse du soldat. Car il n’y a rien de plus noble, gratifiant et de plus beau que de donner sa vie pour que tant d’autres puissent vivre en toute quiétude, vivre en liberté, se constituer un avenir, une expérience et un bonheur sur terre.

Notre éternelle gratitude, nos chaleureuses pensées iront toujours à ces hommes d’armes, ces hommes et femmes braves, triplement dignes et qui portent avec fierté l’uniforme, et qui servent la République.

Dieu ne porte sur l’Everest de la terre et du ciel, que les hommes humbles.
Monsieur , lorsque vous et certains de vos camarades avez pris le pouvoir, il y a presque quatre ans, vous nous avez promis de remettre ce pays sur pied et le replacer sur les rails.

Vous avez fait sans doute ce qui vous paraissait juste en ce moment pour le pays. Ce pays rabaissé, blessé dans son orgueil, il fallait œuvrer à garder l’église au milieu du village.

Alors, avez-vous tenté promptement et avec hardiesse de remettre l’armée en état de se battre, résultat auquel vous y êtes parvenus vous et vos compagnons d’armes.

Puisqu’il faut bien rendre à César ce qui est à César, aujourd’hui, la peur a changé de camp. Ce sont nos ennemis, qui d’ordinaire si hardis, prennent la poudre d’escampette.
Cependant, sur les autres chantiers, le bilan n’est que parole Monsieur le Président .

Je vous sais suffisamment sage pour discerner, mais comme le dit Feu Hassan II : « l’homme sage est celui qui vient toujours chercher des conseils d’abord, des armes on en trouve partout ». Ce n’est jamais mauvais d’avoir plusieurs avis.

Autrement dit chez nous dans le Mandé : « paye ton ennemi pour te dire la vérité si ton ami ne le fait pas… ».
Alors Monsieur le Président, permettez que je vous dise ma part de vérité .

Je sais qu’il est plus tentant de flatter le roi, que de lui murmurer à l’oreille, qu’il n’est pas infaillible, qu’il peut se tromper sur tel ou tel choix et que d’autres chemins, mêmes impopulaires, peuvent aussi bien mener à Rome.

Méfiez-vous, car ceux qui vous applaudissent le feront jusqu’au jour où vous ne verrez personne applaudir.

Monsieur le Président , le pays connaît aujourd’hui encore une crise multidimensionnelle. Le quotidien du Malien, loin d’être paradisiaque, est d’une désolante pénibilité. Force est de constater que presque quatre ans après la chute du régime IBK, le pays ne semble pas aller mieux dans les secteurs les plus essentiels de la vie de la nation.

Le peuple se meurt du manque d’énergie , de la mauvaise prise en charge sanitaire, de la crise sociale, de la crise économique,sans occulter les fractures politiques dont les lendemains n’augurent pas bon.

Monsieur le Président , si les discours souverainistes sont légitimes et importants, s’il faut comme une prêtresse de Thèbes, susciter l’espoir dans l’art politique, ce qui compte, c’est la culture du résultat.

On demande aux Maliens toujours plus de sacrifices, encore et encore. Mais ce peuple fut résiliant. Il a tenu bon face aux sanctions, il a souffert le martyre. Il n’a pas plié et ne s’est pas rompu. Comme le Christ sur le Golgotha, le sacrifice fut grand.

Qu’encore Président , une chose intrigue. Comment en effet, demander davantage de sacrifices au peuple quand les premiers de la cordée ne se mettent pas au régime ?

Est-il acceptable dans un discours révolutionnaire que pendant que les revenus des Maliens baissent, ceux qui les dirigent jouissent encore de tant de privilèges ? L’exemplarité n’est-elle pas le meilleur des discours ?

Monsieur le Président , depuis la chute d’IBK, la gouvernance dans l’administration n’a pas varié. Certes, les mêmes pratiques, la même irresponsabilité, la même corruption gangrènent alors qu’on ne voit aucune démarche allant dans le sens de contraindre au changement de comportements .

Monsieur le Président , sachez qu’il n’y a point de changement sans bonne gouvernance et que toute bonne gouvernance est axée sur l’éthique, la responsabilité et la justice.

L’aîné de notre famille, comment comprendre que des gens soient emprisonnés depuis des années sans aucun jugement ?

La dignité d’un État n’est-elle pas d’assurer à l’ensemble de ses concitoyens, quelles que soit leurs opinions politiques ou religieuses, les droits les plus élémentaires reconnus par la charte du Mandé et sa propre constitution ?

Mon ambition n’est pas de me livrer à un réquisitoire, mais d’attirer en toute humilité votre attention sur ce qui ne va pas dans ce pays et qui risque à terme, de nuire à la cohésion du pays.

Comment comprendre que les opinions contraires soient traquées comme une maladie contagieuse et que tout ce qui n’est pas conforme à la parole officielle, soit assimilé à une hérésie. L’Etat est-il si infaillible ? Ne se trompe-t-il pas par hasard ?L’avez-vous du moins jaugé ?

En vérité, comme ATT, comme IBK dont d’aucuns estimaient, qu’il était un rayon de soleil, les dévots des cours vous diront toujours ce qui vous est le plus agréable à l’oreille et non ce qui vous semblerait être le plus utile.

Ils vous diront haut combien vous êtes beau comme Paris, que vous scintilleriez comme Jupiter, que vous êtes fort comme le sphinx. Ils oseront même vous comparer à des immortels. Ils ne reculeront devant rien pour conserver leurs privilèges.

Ils vous exhorteront à vous cramponner au pouvoir car sans vous, diront-ils, le pays court à sa perte et que nous retournerons dans la caverne d’Ali Baba et dans la caverne préhistorique.

Voyez Soldat, vous et moi savions que comme avec Alexandre Le Grand, comme avec Jules César, comme avec Sundjata, le cimetière est rempli d’hommes indispensables.

Alors, plus que jamais, que vos pas s’affermissent par le sens du réel et votre direction ne soit guidée par aucune acclamation, flagornerie ou sentiment de toute-puissance.

On doit avoir la vertu de penser, comme Mandela, qu’aucun homme n’est comme une montagne, car les hommes passent tandis que les montagnes demeurent solidement et perpétuellement en leur demeure.

Pensez que la dignité : « c’est l’harmonie entre le dire et le faire ».
Qu’il faut toujours rester conforme à l’idéal républicain.

Que le pouvoir ne se légitime pas par un plébiscite encore moins par aucune force ni par la ruse, mais plutôt par des élections libres, démocratiques et transparentes tel qu’admis dans votre nouvelle constitution.

Monsieur le Président , organisez des élections libres pour laisser différents projets s’exprimer et au peuple souverain de choisir car cet exercice n’est jamais une commodité, une question secondaire mais une exigence républicaine. Surtout Monsieur le Président, comprenez que ni les textes, ni vos propres engagements ne peuvent vous permettre d’être candidat à ces élections . Inspirez-vous de Feu le Général Amadou Toumani TOURÉ ( ATT)!

Monsieur le Président , chaque transition est transitoire. Elle ne peut s’imposer ad vitam aeternam. Un jour, elle doit prendre fin en remettant les clés de la maison à des autorités librement choisies par le peuple souverain.

Qu’il n’est jamais sain qu’un militaire se transforme en homme politique tout en étant militaire. Tout comme le corps humain, la tête ne peut jouer la fonction du bras, ni le bras celle du pied. Chacun doit rester dans sa fonction naturelle.

Enfin Président , aucun État ne peut vivre en autarcie. Il a besoin du monde autant que le monde a besoin de lui.

Il ne choisit pas ses voisins, autant qu’un homme ne choisit sa famille.

Par conséquent, la paix avec ses voisins est indispensable pour stimuler le développement et permettre in fine le rapprochement et le bonheur des communautés qui s’y trouvent.
N’écoutez pas les va- t’en guerre, les laudateurs et les populistes.

Mais écoutez plutôt cette belle pensée de Mansa MakanDiabaté : « il faut avoir la force de sa raison et non la raison de sa force ».

Vous sachant sage, je vous prie, pour l’histoire, de mettre un frein à ces chants de sirènes opportunistes et de tenir des élections qui resteront historiques pour rendre votre action indélébile.

Faites-le pour l’histoire, Monsieur le Président !

Que Dieu vous guide.

Respectueusement.
Hamidou Doumbia.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Contenu exclusif

Derniers Articles

Plus d'articles