La chaleur s’est installée de bon matin à Kigali. Les motos slaloment dans la circulation, les commerçants mettent en place leurs étals et les entrepreneurs s’affairent en quête de bonnes idées. Le Rwanda compte plus de quatre millions de jeunes âgés de 14 à 35 ans, soit environ 39 % de sa population. Récemment, des responsables du Fonds africain pour l’économie circulaire (ACEF), créé et administré par le Groupe de la Banque africaine de développement, et de l’Alliance africaine pour l’économie circulaire (ACEA) ont effectué une visite au Rwanda pour rencontrer certains de ses jeunes innovateurs.
Parmi eux, Tresor Gashonga et Rafiki Gatsinzi, cofondateurs d’Incuti Foods, qui produit des sauces au piment, offrent aux agriculteurs un marché stable et un moyen de réduire les pertes après récolte, une intervention cruciale dans un pays où environ trois millions de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année. Leurs sauces ont même trouvé leur place dans les recettes de cocktails tendance des bars lounge de Kigali, prouvant que la circularité peut s’intégrer parfaitement à la culture urbaine.
Tresor, qui a grandi dans une région rurale du pays, se souvient de l’élément déclencheur qui a donné naissance à Incuti Foods. « Un jour, une agricultrice m’a dit qu’elle avait environ dix tonnes de piments qui étaient sur le point de pourrir », raconte-t-il. « Je me suis senti obligé de l’aider. C’est ainsi qu’est née Incuti Foods, avec pour objectif de créer un produit qui apporte une valeur ajoutée aux consommateurs, tout en garantissant un marché aux agriculteurs. »
L’entreprise contribue également à réduire les déchets plastiques en offrant des réductions aux clients qui rapportent les bouteilles de sauce pimentée vides. Si les défis logistiques empêchent d’étendre cette initiative aux supermarchés, elle témoigne néanmoins de l’engagement des entrepreneurs sur l’efficacité des ressources.
Tresor et Rafiki font partie de la première promotion du programme « AfriCircular Innovators », financé par l’ACEF et mis en œuvre en collaboration avec l’ACEA. Ce programme soutient les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) en leur proposant un accompagnement commercial et des dons pour développer leurs innovations circulaires. Lancé l’an dernier, le premier cycle a formé 30 entrepreneurs dans plusieurs pôles à Abidjan, Accra et Kigali.
La scène de l’économie circulaire à Kigali, portée par les jeunes, est indéniablement dynamique. Le programme « AfriCircular Innovators » a reçu 150 candidatures rien que dans cette ville, pour seulement dix places disponibles, ce qui reflète un vaste réservoir de potentiel inexploité. Soutenir quelques entrepreneurs sélectionnés n’est qu’un début, compte tenu des vastes possibilités.
Une évolution vers l’économie circulaire au Rwanda pourrait créer près de 18 000 nouveaux emplois et attirer des investissements importants d’ici à 2030, en particulier dans l’agriculture, qui emploie 70 % de la main-d’œuvre et contribue à 33 % du PIB. Cette transition s’inscrirait dans la Vision 2050 du Rwanda, un plan visant à bâtir une société inclusive, résiliente au changement climatique et à revenu élevé, en tirant parti du dividende démographique croissant du pays ; la population en âge de travailler devrait atteindre près de 66 % d’ici à 2050.
Les jeunes entrepreneurs considèrent de plus en plus la circularité comme un pont entre les entreprises et la durabilité. Gad Nishimwe, fondateur de South Circle, autre participant au programme « AfriCircular Innovators », souligne que l’efficacité des ressources est bonne pour les résultats financiers. « Nous recyclons les déchets de verre en matériaux de construction tels que des carreaux et du terrazzo, qui sont 40 % moins chers que ceux fabriqués à partir de matériaux extraits », explique M. Nishimwe.